“À propos de David Boulanger” par Pascal Bonafoux (Paris, France)
Invitation. Lettre à ***, à propos de David Boulanger.
Mon cher ***,
Il y a plusieurs années tu as commencé une collection. Et tu m’as dit un jour que l’un des critères qui te conduisaient à succomber à la tentation que peut provoquer une œuvre, était d’être, d’avoir été, déconcerté par cette œuvre. Tu me confiais encore que l’invention dont pouvait faire preuve cette œuvre était, pouvait être, déterminant.
Enfin, tu m’avouais qu’une collection est un pari. Aussi, je t’en prie, regarde les toiles de David Boulanger.
Il y a quelques chances que tu sois déconcerté par son choix. Il y a quelques chances que tu sois étonné par son invention.
Son choix est celui de la peinture. Ce qui est l’un des plus inconséquents qui soient si l’on admet que cela fait des années et des années que l’on répète sur tous les tons, que l’on nous rabâche à l’envi, que l’on nous ressasse encore et encore que la peinture est morte. Il s’en fout. Il s’en contrefout. Il peint.
Et il ose, ô impudence ! ô inconséquence ! mettre en évidence qu’il lui fallu, qu’il lui faut travailler avec les œuvres de « maîtres ». En particulier Rembrandt. Parce qu’il lui a fallu tenter de comprendre comment il est parvenu à… comment il a réussi à faire en sorte que… comment… Je ne sais de quel ordre a été son dialogue, son face à face avec l’œuvre de Rembrandt. Il me reste à soupçonner l’essentiel : c’est en se donnant les moyens de la trahir parce qu’il la respecte qu’il s’invente.
Son invention ? Une singulière matière picturale qui semble dédaigner la couleur pour des tons de terres, pour des tons de terres où les glacis et les ombres distribuent des transparences et des apparitions.
Et ces apparitions sont des métamorphoses, des absurdités, des extravagances, des bizarreries, des excentricités, des étrangetés, des…
Ne te prive pas d’ajouter à cette liste le mot qui te convient qui ne sera pas plus qu’aucun de ceux que je viens d’énumérer une « mention inutile ». Reste que cette galerie d’autoportraits vérifie somptueusement le pouvoir de la peinture : donner à voir ce que, sans elle, il serait impossible de voir. C’est pour cela qu’elle est « figurative »… Parce qu’elle représente un songe.
Tu collectionnes ? Je t’en prie, regarde ces toiles.
Et si ta collection est un pari, fais celui de David Boulanger.
Pascal Bonafoux, Paris, mars 2006.
Première parution,
Extrait du catalogue de l’exposition Métamorphose,
Galerie La Cave d’Arts (Louviers, France)
Pascal Bonafoux, né à Paris en 1949, est un écrivain et historien de l’art français.
Auteur de nombreux essais consacrés à l’art et pensionnaire de l’Académie de France à Rome en 1980 et 1981, il collabore à divers journaux et revues. Commissaire d’exposition en France et à l’étranger, il est aussi professeur d’histoire de l’art à l’université Paris VIII.
Il est spécialiste de l’autoportrait. Wikipedia.
Galerie La Cave d’Arts
11 rue du quai
27400 Louviers